Le portrait du mois – Charlotte Lejeune – CEO et Cofondatrice de Sorella Care

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Quel est votre parcours ?

J’ai cofondé Sorella Care avec Jeanne Theuret et Youssef Banhaddou en mars 2022 après 12 ans d’expérience professionnelle, notamment chez Lazada, le leader du e-commerce en Asie du Sud Est (racheté en 2016 par Alibaba). Membre de l’équipe de management, j’y ai beaucoup appris sur le développement de nouveaux marchés. J’en ai aussi retiré des compétences digitales fortes.

A mon retour en France en 2020, j’ai décidé d’explorer le sujet de l’égalité homme, femme. C’est un combat qui m’a toujours animé, de mes plus jeunes années étudiantes aux entreprises dans lesquelles j’ai travaillé. A l ‘époque, j’avais même lancé, dans plusieurs pays d’Asie, le Women Initiative chez Lazada pour normaliser l’accès au congé maternité. C’est ainsi que le sujet de la santé des femmes est arrivé en haut de la liste.

Pourquoi avoir fondé Sorella Care ?

En Asie, j’ai découvert une approche globale de la santé, où le corps et l’esprit sont corrélés. J’ai voulu rapporter cette expérience en France.
Cela fait 10 ans que la communauté scientifique et médicale, ainsi que les pouvoirs publics s’accordent pour aborder la santé des femmes de façon spécifique. Mais jusqu’en 1992, les femmes n’étaient pas autorisées à faire partie des cohortes pour la recherche en santé. Depuis, il a été démontré par exemple que les effets secondaires des médicaments étaient différents selon le sexe tandis que les notices de médicaments indiquent toujours une posologie pour adulte quelque soit le sexe, le poids, la taille. Les choses commencent à changer (intégration des femmes dans les cohortes avant la mise sur le marché, formation des médecins à l’endométriose, initiatives sur les violences gynécologiques…), mais les opinions sont lentes à évoluer et c’est difficile à mettre en place.

J’ai donc pris du temps pour rencontrer des femmes et des professionnels de santé, j’ai fait un stage d’observation à l’hôpital pour comprendre les problématiques des soignants. J’ai identifié un besoin – celui d’accompagner les femmes et leur santé au quotidien – et j’ai décidé de créer Sorella Care. Pour la petite histoire, Sorella vient du mot sororité auquel nous avons ajouté une prononciation féminine avec le “ella”.

J’ai d’abord participé au programme entrepreneur au sein de Ticket for change en 2021. J’ai eu la confirmation que le secteur présentait de grandes opportunités et qu’une page blanche restait à écrire en France. Il était en effet assez innovant en 2021 de genrer la santé. La société nouvellement créée a été incubée au sein du programme Femtech à Station F en 2022. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré mes associés Jeanne et Youssef. Nous sommes tous les trois très complémentaires. Jeanne a une formidable expertise juridique et de gestion de projets complexes tandis que Youssef a une expérience très riche en produit et tech dans plusieurs start-up. Nous avons été confronté à un autre challenge dans cette période post Covid, celui de défendre notre conviction de l’importance des lieux physiques dédiés à la santé des femmes pour mener à bien notre mission de révolutionner l’accompagnement des femmes en santé. Ce double aspect physique et digital est véritablement ancré dans l’ADN de Sorella.
Nous avons fait une première levée de fonds pre-seed à l’été 2022 puis ouvert le premier espace Sorella à Issy les Moulineaux début 2023.

Sorella Care, c’est quoi ?

Ce sont des espaces de santé pluridisciplinaires dédiés aux femmes pour mieux les accompagner et les soigner. Il faut comprendre que le corps des femmes a des besoins spécifiques, sur le plan cardiovasculaire (les symptômes d’une crise cardiaque ne sont pas les mêmes chez les hommes et les femmes), sur le plan gynécologique avec les cycles hormonaux de la puberté à la ménopause, mais aussi sur les articulations, la peau… Il est donc nécessaire d’avoir des experts de la santé des femmes rassemblés dans un même lieu afin qu’ils puissent travailler en équipe, avec les bons outils.

Pour les professionnels de santé, c’est une charge mentale en moins. Il faut savoir qu’un médecin consacre en moyenne 4 à 5 heures par semaine aux tâches administratives. Grâce aux outils digitaux que nous mettons à leur disposition, ils gagnent du temps sur les suivis d’examen, la traçabilité des résultats, la comptabilité, autant de temps en plus pour les patientes. Et puis, le fait de travailler en équipe avec différents spécialistes leur permet de proposer cette approche globale de la santé aux patientes. Notre modèle allie le meilleur de l’hôpital et de la médecine de ville et les professionnels de santé de Sorella se disent très satisfaits de l’expérience (avec un score de plus de 60 au Net Promoter Score).

Les avis des patientes sur Google sont aussi très positifs et par centaines. Nous avons développé plusieurs parcours de soins : endométriose, maternité, fertilité, ménopause… Les patientes peuvent consulter plusieurs spécialistes dans un même lieu et avoir accès à de nombreuses explications avant ou après la consultation, via notre plateforme. Les patientes peuvent aussi consulter des soignants paramédicaux : kinésithérapeutes, ostéopathes, diététiciens, psychologues. Nous fluidifions le parcours de soin grâce à notre plateforme développée sur mesure sur les thématiques de la santé des femmes. Les patientes peuvent par exemple accéder via notre plateforme sécurisée à leurs données de santé et récupérer leurs résultats d’examen. Une infirmière de coordination assure un suivi complet et se rend disponible pour les patientes en cas de besoin.

Nous avons fait le choix de soins accessibles. Les professionnels de santé chez Sorella sont en secteur 1 ou 2. Nous pratiquons le tiers payant et la télétransmission aux mutuelles. Les professionnels de santé nous rétrocèdent une partie de leurs honoraires.

Quelles sont les prochaines étapes pour Sorella Care ?

Nous souhaitons rendre accessible notre offre sur tout le territoire à un maximum de Françaises. Le développement de notre réseau est donc notre priorité.
Après Issy les Moulineaux et Asnières sur Seine, nous ouvrons un troisième espace en juillet à Rueil-Malmaison puis un quatrième dans l’est parisien dans les prochains mois. D’ici fin 2026, nous visons des ouvertures hors Ile de France par exemple à Lyon, Bordeaux ou encore Lille. Nous recevons de nombreuses demandes de médecins pour ouvrir de nouveaux espaces Sorella en région, c’est très excitant et cela prouve l’attractivité d’un tel environnement de travail !

Les espaces de santé Sorella sont déjà ouverts 7j/7, mais à partir de juin, nous allons compléter notre offre en ouvrant un service de consultations d’urgence gynécologique (infection urinaire, mycose…). Les patientes pourront avoir un rendez-vous dans les 24 heures avec un spécialiste.

Nos espaces ont tous le même modèle : 300m² avec 8 salles de consultation, une trentaine de professionnels de santé et 1 salle d’atelier pour les groupes de parole et les cours collectifs. C’est un modèle qui fonctionne bien dans les zones à forte densité de population. Pour toucher les plus petites villes, nous réfléchissons à mettre en place des modèles alternatifs comme des bus ou des cabinets médicaux « antennes ».

Sorella est une entreprise privée, mais notre coopération avec tout l’écosystème de santé est très importante. Sorella care répond aujourd’hui à un besoin des patientes et des professionnels de santé. Nous sommes financés par des acteurs privés mais aussi publics (BPI), qui ont validé notre business model. C’est la preuve que des projets efficaces et performants peuvent exister en matière de santé.

Nous répondons à des problématiques de santé publique, en rendant les soins accessibles et en attirant des professionnels de santé vers des zones d’implantation prioritaire (les ZIP selon la cartographie de l’ARS). Il faut savoir que l’Ile de France est le premier désert médical en France.

Pourquoi êtes-vous membre de la French Care ?

Nous sommes en veille permanente pour intégrer les innovations en santé, d’où notre inscription à la communauté de la French Care. Il est important d’être soudé et d’avancer ensemble, car chaque innovation en impacte une autre (nouveau logiciel développé en IA pour lire une échographie ou pour faciliter la prise de notes en consultation par exemple).