L’interview du mois – Cédric Enguehard – CEO de Dyameo

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  • Qui êtes-vous? 

Je suis un scientifique à la base, j’ai un doctorat en électronique et en photonique. J’ai travaillé au CNRS puis dans le privé pendant quelques années, dans les télécommunications. Techniquement c’était sympa, mais j’avais envie d’autre chose, je cherchais des nouveaux projets. La cancérologie ça parle à tout le monde et le CHU de Limoges voulait valoriser une de ses études. J’ai récupéré le brevet et j’ai créé Dyameo avec deux associés.  

 

  • Dyameo, c’est quoi? 

Nous développons des dispositifs de diagnostic médical in vitro destinés à aider les chirurgiens à identifier les limites entre tissus sains et tissus cancéreux lors du retrait chirurgical de tumeurs. 

Notre dispositif permet au chirurgien de s’assurer de retirer la totalité de la tumeur – donc de réduire le risque de rechute – mais aussi de limiter sa zone d’intervention et de préserver au maximum les tissus sains environnants.

Sans ce dispositif, le chirurgien repère la tumeur grâce à son expertise et opère avec une marge plus ou moins fine pour s’assurer que toutes les cellules cancéreuses ont été retirées. Il fait ensuite un prélèvement sur la pièce opératoire, l’envoie à un laboratoire pour analyse et doit attendre 30 minutes le résultat. Notre solution permet une chirurgie plus fine et une analyse immédiate directement par le chirurgien. 

 

  • Comment fonctionne le dispositif ? 

Le dispositif comporte 3 éléments : 

  • un boîtier avec les éléments électroniques et optiques nécessaires à la réalisation des mesures voulues par le chirurgien. Il permet d’émettre, capter et mesurer des signaux lumineux, et de fournir une réponse claire et instantanée au chirurgien.
  • une sonde jetable en fibre optique Et 
  • une capsule clipsée à l’extrémité de cette sonde, qui présente à sa surface des biosenseurs.

Il suffit au chirurgien de maintenir l’extrémité de la sonde sur un tissu pendant quelques secondes pour l’analyser et déterminer s’il présente des marqueurs caractéristiques des cellules tumorales.

Notre technologie repose sur les biosenseurs. Ce sont ces molécules qui vont réagir au contact des biomarqueurs caractéristiques des tumeurs recherchées et émettre en réponse un signal lumineux qui révèlera leur présence (ou non) au niveau de la zone analysée par le chirurgien.

 

  • Comment avez-vous financé le développement du dispositif? 

Avec mes deux associés, Alexis et Virgile, nous avons d’abord rassemblé nos économies, puis nous avons eu la chance de remporter le concours i-Lab de bpifrance – ce concours a pour objectif de détecter des projets de création d’entreprises de technologies innovantes et de soutenir les meilleurs d’entre eux. 

Cela nous a permis d’établir des preuves de concept plus avancées. A partir de là, des investisseurs se sont intéressés à notre projet et il y a trois ans, Medevice et NACO (un co-investisseur régional), nous ont financé pour aller jusqu’à la preuve clinique. 

C’était important pour nous de trouver des investisseurs dans le monde de la santé, pour pouvoir profiter de leurs retours d’expériences et gagner du temps dans la mise en relation avec des compétences pointues.

Mes associés et moi avons chacun un domaine d’expertise, la biologie, la chimie et l’optique, ce qui nous a permis de ne pas être dépendants du laboratoire dont on a extrait la technologie pour la faire évoluer. Aujourd’hui, nous sommes 7 dans la société et en plus du développement de l’électronique, je m’occupe de l’administratif et du financier. Les journées sont bien remplies!

 

  • Quelles sont les prochaines étapes pour Dyameo?

Notre objectif est d’obtenir le marquage CE et de commercialiser nos dispositifs en 2026. Et c’est un véritable chemin de croix pour mettre un dispositif médical sur le marché! Après l’optimisation de nos procédés, nous avons réalisé de très nombreux tests avant de débuter notre premier essai clinique cette année. 

Il est actuellement testé dans 6 hôpitaux en France (l’Institut Gustave Roussy, le centre de lutte contre le cancer de Nice, de Lyon, de Reims et le CHU de Limoges), 80 patients seront inclus dans l’étude pour en faire la démonstration clinique. 

Il devra ensuite être certifié par un organisme externe, qui statuera sur les preuves de traçabilité, de sécurité et de performance. 

Notre dispositif est utilisé pour les cancers ORL – gorge, cavité buccale. A terme, nous voulons le développer pour d’autres types de cancer, ce qui impliquera de changer de réactif, la particule biologique présente sur la capsule. 

 

  • Quels sont selon vous les grands enjeux de la lutte contre le cancer dans les prochaines années?

Le dépistage précoce est selon moi l’un des principaux enjeux dans la lutte contre le cancer. La survie à 5 ans avec un cancer du poumon diagnostiqué en phase 1 dépasse 50% des cas. Au stade 3 ou 4 en revanche, ce chiffre tombe sous les 5%, et les traitements sont lourds et coûteux. Aujourd’hui seul 15% des cas sont détectés au stade précoces. Plein de solutions sont imaginées mais très peu sont vraiment déployées. L’enjeu est de trouver des technologies pour mieux soigner à des coûts acceptables et sur l’ensemble du territoire. 

 

  • Vous êtes membre de La French Care depuis 2023, pourquoi? (opportunités, synergie, ce que ça représente pour vous)

Dyameo est implantée à Limoges, c’est une société des territoires. Nous sommes une goutte d’eau au milieu de nul part. Nous avons eu la chance dès le début de cette aventure d’avoir tout pour naître, un CHU assez grand, une Université avec une cellule de valorisation et le soutien de bpifrance. Mais aujourd’hui, il nous est difficile de trouver à proximité les compétences et expertises dont nous avons besoin pour nous développer, des compétences juridiques par exemple. Il est donc essentiel pour des sociétés des territoires comme Dyameo de pouvoir s’appuyer sur les réseaux qu’offrent la French Care.