Portrait de Nicolas Micheaud, Président et Fondateur de Paediatis

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Quel est votre parcours?

Je suis chimiste de formation et je travaille depuis 2001 dans le secteur pharmaceutique et plus précisément dans le monde du service de la pharma. Il faut savoir que le secteur soustraite de nombreuses activités, de la production de molécules et de médicaments, aux essais cliniques et au développement. J’ai été Responsable grands comptes pour des groupes comme ThermoFisher, Dr Reddy’s ou Aesica et Business Developer à l’international pour les marchés du Bangladesh, du Moyen-Orient, des USA et de l’Europe.

Je me considère comme un industriel, comme un expert de l’industrie pharmaceutique. On ne le sait pas, mais on peut recréer un labo avec un simple ordinateur, toute la supply chain est disponible.

Au sortir du Covid, j’ai aussi participé au lancement de l’association Lilok avec l’hôpital de La Rochelle et la région Nouvelle Aquitaine. C’est aujourd’hui un important laboratoire d’innovations pédiatriques qui a pour objectif d’accélérer la conception et la diffusion des solutions dédiées à la santé des enfants, des adolescents, et des jeunes.

 

Pourquoi avoir fondé Paediatis ?

Je suis père de cinq enfants et un jour j’ai commencé à avoir du mal à trouver de l’enthousiasme pour une industrie qui abandonne les plus jeunes. Il faut savoir qu’il manque près de 400 produits spécifiquement dédiés aux enfants dans les pharmacies. En clair, ces produits existent pour les adultes mais n’ont pas d’équivalents adaptés pour la pédiatrie. Résultat, quand un enfant est hospitalisé, dans un cas sur deux, il lui est délivré un médicament hors AMM (Autorisation de Mise sur le Marché), c’est-à-dire non testé pour son âge. Et ce chiffre monte à 95% dans les services de néonatologie. C’est un scandale sanitaire, économique et social! C’est pour répondre à ce besoin que j’ai pris ma double casquette de commercial et d’industriel et que j’ai créé Paediatis en 2020.

Mais il y a un autre enjeu derrière Paediatis. Quand j’ai commencé à travailler au début des années 2000, la France figurait parmi les leaders de la production de médicaments dans le monde. Ce n’est plus le cas aujourd’hui ! * La crise Covid a mis en évidence les problèmes de souveraineté du secteur. L’un des objectifs de Paediatis est de produire à nouveau en France et de contribuer à la réindustrialisation.

 

Paediatis, c’est quoi ?

 J’ai commencé par réfléchir à la manière de faciliter la prise de médicaments. Comme 50% ne sont pas adaptés pour les enfants, il faut qu’une infirmière écrase les comprimés pour adultes et les mélange à une compote par exemple, ce qui donne lieu au passage à 11% d’erreurs médicamenteuses.

Je me suis rapproché de la maternité de La Rochelle et j’ai discuté avec des sages-femmes et des aides-soignantes. Pour elles, il était évident qu’il était plus simple de donner aux enfants un médicament sous forme liquide plutôt qu’un comprimé ou une poudre en sachet, d’autant que les emballages contiennent souvent des perturbateurs endocriniens.

J’ai donc imaginé une capsule buvable, une unidose biodégradable en gélatine de bœuf. Le premier prototype nécessitait des ciseaux pour couper l’embout. Les soignants m’ont dit “pas question”. Je suis retourné à l’usine et nous avons modifié la capsule pour qu’elle puisse être ouverte à la main. L’avantage maintenant est que tous les personnels soignants peuvent l’administrer.

J’ai mobilisé mon réseau et j’ai déposé la Drinkaps ® aux Etats-Unis, en Europe, en Chine, en Inde et en Afrique. Elle est protégée par un brevet en France et plusieurs dessins et modèles à l’international. Je suis le seul au monde à pouvoir faire une capsule buvable, moins cher qu’un stick ou une ampoule buvable. Cette innovation de rupture répond aux besoins du marché et fait sens d’un point de vue économique, industriel et environnemental.

Dans un deuxième temps, j’ai travaillé sur les médicaments eux-mêmes. Je reformule les molécules et j’en fais un produit adapté aux besoins réglementaires. La capsule n’est plus uniquement un emballage mais un médicament adapté à l’enfant.

Je ne suis pas en compétition avec les labos pharma, ils sont mes distributeurs et je vends sous licence. Un laboratoire français a acheté un premier produit qui permet de prévenir et de traiter les hémorragies chez le nouveau-né. Il s’agit d’une vitamine largement distribuée en France, mais seulement un enfant sur trois la reçoit dans le monde car le produit est cher et instable. Paediatis en divise le coût par quatre et permet une diffusion sécurisée et sans plastique.

 

 

Quelles sont les prochaines étapes pour Paediatis?

Paediatis arrive à tirer son épingle du jeu dans le monde des biotech, sans levée de fonds, avec 250 mille euros de CA en 2024 et un brevet enregistré. La Drinkaps ® n’est pas un dispositif médical mais un médicament. Nous attendons donc avec mon partenaire l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché), mais les délais sont beaucoup trop longs, l’agence manque cruellement de ressources ce qui cause un retard considérable à l’innovation française. Je collabore aussi avec un laboratoire pharmaceutique pour développer deux nouvelles molécules, mais je veux à terme être indépendant.

Avec les universités de La Rochelle et de Poitiers, nous sommes en train de faire un diagnostic du système pour lister les médicaments manquants dans les services de pédiatrie. Mon ambition est de développer de nouveaux médicaments pédiatriques sur des outils industriels existants pour en limiter le coût et être un modèle de développement durable.

Paediatis a une vraie approche environnementale. Je travaille depuis le début avec Bpifrance et l’Ademe pour mesurer la preuve d’impact et l’ACV (Analyse du Cycle de Vie qui permet de quantifier les impacts environnementaux d’un produit dans un objectif d’éco-conception).

 

Pourquoi êtes-vous membre de la French Care?

C’est dur d’être entrepreneur dans la pharma. Je suis seul à la barre de Paediatis et je n’ai pas le temps de communiquer. Je serais content de bénéficier de plus d’exposition et que des acteurs du réseau French Care viennent discuter avec moi et se rendre compte qu’il y a des industriels qui essaient de faire bouger les lignes sur la santé des enfants. Je m’adresse notamment à ceux qui développent de nouveaux traitements. Avec ma plateforme, j’ai la capacité de développer ces innovations et de les industrialiser en France. Il est difficile de comprendre que l’on peut tout recréer avec un ordinateur, c’est un business modèle peu connu mais efficace. J’ai créé un produit en 2020 qui sera normalement sur le marché cette année.

* Selon le baromètre 2024 du Leem, la France est désormais au 6ème rang des pays producteurs de médicaments (en valeur) en Europe derrière la Suisse, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni.